Élisa Géhin

©Christophe urbain

Originaire de La Bresse, c’est en dévalant des montagnes tout schuss en skis qu’elle esquisse ses premiers dessins. Juchée sur la ligne bleue des Vosges, elle regarde tantôt vers Paris (L’École Estienne), tantôt vers Strasbourg (les Arts déco, où elle fit partie du collectif Troglodyte), pour faire ses premiers pas en tant qu’illustratrice.

Devenue une figure de la scène de l’illustration jeunesse en France, elle a publié chez de nombreux éditeurs, notamment Dans le détail (Les Fourmis Rouges), Maisons-maison (Thierry Magnier) ou encore Bonjour Pantin (Hélium).

Elle est régulièrement sollicitée par des commanditaires prestigieux comme la Fondation Louis Vuitton, La Philharmonie de Paris, ou encore le Centre d’initiation à l’art pour les 0-6 ans Mille Formes, à Clermont-Ferrand.

Bibliographie :

AbabaBC, éditions 2024
Abecedele, éditions 2024

chez d’autres éditeurs:

Quelques questions à Élisa Géhin
à l’occasion de la sortie
de son livre :
AbabaBC

Composer un abécédaire/imagier, c’est un peu comme réaliser une chaise quand on est designer. Un vrai challenge, car il en existe déjà énormément. Comment as-tu abordé le tien et qu’est-ce qui comptait vraiment pour toi ?

C’est mon troisième ! Je ne pense pas aux imagiers qui existent lorsque je réfléchis aux miens. Même si je n’occulte pas l’existant, je me concentre plutôt sur l’idée que j’ai et l’envie de la mener à bien. Je veux parler de la perméabilité des langages, avec comme élément central et universel le dessin qui est mon langage favori. L’imagier est une forme qui me permet de la mettre en place. Parallèlement, j’ai deux enfants en bas âge, et j’observe de près une jeune personne qui découvre ce qui l’entoure. Je puise ici directement dans leurs centres d’intérêt. Je n’ai alors pas de doute sur la nécessité de réinterprétation des fondamentaux par chaque génération et participe volontiers à ce mouvement perpétuel.

Contient-il des souvenirs de ceux que tu lisais enfant ou t’es-tu dit qu’il fallait renouveler l’imaginaire en t’éloignant des même objets et animaux exotiques ?

Oui, je vois plutôt l’introduction d’autres langues comme un outil magique : la possibilité de faire varier les notions que je trouve poussiéreuses dans les abécédaires. L’occasion de placer d’autres mots que Wagon au W m’amuse beaucoup. C’est comme un jeu car les langues sont vivantes : plutôt que renouveler l’imaginaire, je me réjouis d’ouvrir le champ. S’adressant aux plus petit, l’imagier concerne aussi tous ceux qui l’entourent, puisqu’ils vont très souvent en accompagner la lecture. J’espère que le décalage des notions pourra les surprendre et les concerner, les impliquer davantage dans l’échange.

Six langues (albanais, allemand, français, italien, polonais et turc)parlées en France s’y retrouvent dans un joyeux melting-pot. Comment as-tu choisi le Pociąg (train), la Leylek (cigogne), le Xixellonja (luciole) ou le Zamek (château) ?

Le choix des langues pour le livre tient d’abord à deux règles choisies : leur présence sur le territoire où je vis, et leur usage de l’alphabet latin comme mode de représentation. J’écarte aussi assez volontairement l’anglais et l’espagnol, pour placer l’enjeu non pas sur l’apprentissage mais sur l’émerveillement et les excentricités des langues. Ce qui me plaît, c’est que le résultat soit cohérent et fantaisiste, comme le melting-pot un peu absurde que tu décris. On en a beaucoup discuté avec mes éditeurs, c’est aussi ce qui me permet d’assumer et de comprendre ces choix. Ce n’est ni arbitraire ni exhaustif, c’est une alternative.

Je confronte ainsi tout un vocabulaire de notions du quotidien de l’enfant à la traduction. La répartition finale est plus pragmatique, j’équilibre ces notions dans les vingt-six lettres fondamentales de l’alphabet, comme un château de cartes. Je ponctue les fondamentaux de petits trésors savoureux. Je chéris par exemple Xixellonja parce que, malgré les six langues, c’était mon unique alternative convaincante au traditionnel xylophone. La cigogne est aussi assez emblématique, elle migre en Turquie, à la lettre L.

Ton dessin au trait s’y prête très bien car il a quelque chose d’enfantin. Tu joues d’ailleurs à conserver certaines caractéristiques comme les perspectives à plat…

Je cherche à m’amuser quand je dessine. Je dessine à la plume en noir et je refais souvent beaucoup un même dessin, parce que je cherche à trouver la bonne nuance. C’est aussi une question d’énergie. Le dessin doit ici être évident et curieux pour ceux qui ne lisent pas. Je veux à la fois développer son caractère, des singularités, tout en l’utilisant frontalement comme outil de langage. Le travail de couleur vient ensuite harmoniser l’ensemble. Les Éditions 2024 me permettent de jouer avec quatre couleurs Pantone, plus franches et lumineuses. Comme ça, on propose un livre que l’on souhaite moderne.

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« j’ai deux enfants en bas âge, et j’observe de près une jeune personne qui découvre ce qui l’entoure.
Je puise ici directement dans leurs centres d’intérêt. Je n’ai alors pas de doute sur la nécessité de réinterprétation des fondamentaux par chaque génération et participe volontiers à ce mouvement perpétuel. »

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