Éponine Cottey

Éponine Cottey est née à l’aube de l’été 1989 quelque part en pays chaourçais, au cœur de la Champagne humide… Au milieu des blés et des livres, on dessine tout le temps dans sa maison — et souvent des maisons, d’ailleurs, avec une sœur future architecte... Venu le temps de quitter cet Eden, Éponine part à Paris étudier l’illustration à l’école Estienne. Elle poursuit ses études aux Arts Décoratifs de Strasbourg, et retourne enfin à Paris où elle vit et travaille aujourd’hui pour la presse et l’édition jeunesse.

Bibliographie :

Météolove, éditions 2024
Bienvenue à Bibiville, éditions 2024

Quelques questions à
Éponine Cottey,
à l’occasion de la sortie
de son livre :
BIENVENUE À BIBIVILLE

Bibiville est votre premier livre,quel en a été le point de départ ?

L’histoire s’est construite autour du personnage principal, Bibidou, un petit bichon (que je trouve) trop mignon. J’ai commencé à le dessiner pendant mes études aux Arts Déco de Strasbourg, il y a maintenant huit ou neuf ans.

Puis je voulais écrire une histoire ancrée dans notre société, sur une problématique actuelle, mais dans un monde imaginaire pour donner envie au lecteur de s’y plonger, sans le côté moralisateur.

Plusieurs thématiques se croisent :le refuge pour animaux, l’architecture,le collectif, comment avez-vous travaillé sur la narration et pourquoi ces thématiques ?

Je voulais créer un monde imaginaire, mais pas pour autant coupé de notre monde. C’est pourquoi j’ai utilisé des chiens abandonnés sur une aire d’autoroute, qui pouvaient se retrouver dans la même situation que nous socialement, c’est à dire sans maison, livrés à eux-mêmes.

La question du logement est une thématique très actuelle – surtout quand on vit à Paris et qu’on a grandi à la campagne. Ma soeur est architecte, et je baigne dans cet univers depuis des années. Je pense que ça a influencé mon regard sur la société. Quand je me promène dans Paris, je regarde les immeubles, les travaux, les extensions. Je m’intéresse à l’urbanisme et à la sociologie, pourquoi les gens quittent-ils des appartements pour vivre dans des banlieues pavillonnaires ? Avec l’augmentation de la population dans les villes et le tarissement des matières premières, c’est un enjeu du XXIe siècle…

Mais derrière ces questions d’architecture, se cachent des questions plus profondes sur nos modes de vie, et ce que l’on recherche dans la vie. Où vivre, avec qui et comment ? Ce sont des choix que nous pensons faire, mais que la société nous dicte inconsciemment. Je pense que les lectures de notre enfance, pour celles et ceux qui ont eu la chance d’avoir des livres, nous accompagneront toute notre vie. Peut-être mon livre influencera-t-il quelques enfants sur leur mode de vie futur ?

Mais pour autant, il ne s’agit pas là d’un manifeste pour une société meilleure. Pour moi, il n’est pas question d’architecture dans Bibiville ce que j’ai voulu exprimer avant tout c’est de l’amour et de la bienveillance. Une société ouverte qui donne sa chance à chacun et qui accepte tout le monde tel qu’il est, avec ses défauts et ses qualités. Même si ça fait un peu cucul dit comme ça.

À travers les formes dessinéesdes habitations et infrastructures, on s’inscrit dans le Bauhaus : épure, géométrie, fonctionnalité… C’est étonnant de voir s’évoquer le Bauhaus à travers ces formes dans un livre jeunesse !

Ce n’est pas ma référence première, même si elle s’y prête, et c’est d’ailleurs ça qui est intéressant, on peut y voir tout ce qu’on veut.Je me suis plutôt basée sur le travail du Corbusier, pour son architecture rectiligne et sa fascination pour le nombre d’or. Mais on peut aussi y voir une référence au Familistère de Guise si on veut. Beaucoup d’architectes, ou même de communautés, ont essayé de construire des mini-sociétés autonomes, c’est assez récurrent. Et puis dans la deuxième partie, pour les constructions design de Bibidou, je me suis inspirée du style Memphis et de leur philosophie. Dans ce livre, j’ai voulu opposer deux modes de pensée. D’un côté celui de Walter Bibi (en référence à Walter Gropius) qui symbolise pour moi la rigueur et la rigidité. Même s’il pense construire ce refuge pour le bien de la communauté, il construit avant tout son chef-d’œuvre, et il ne tient pas compte des particularités de chaque individu qui la constitue. Et de l’autre côté, il y a Bibidou, qui souhaite faire participer les habitants pour penser leur lieu de vie en fonction de leur mode de vie. Il se base sur l’existant pour le remodeler et le réorganiser en petites cabanes plus personnelles. C’est peut-être moins fonctionnel, et plus brouillon mais ils rectifieront. Ils apprendront de leurs erreurs et feront mieux tous ensemble.

Ensemble, on construit mieux ?

C’est l’idée que j’aimerais faire ressortir de ce livre. Mais je ne veux pas que ça s’arrête à l’architecture. On peut vouloir « construire » bien d’autres choses que des maisons. Construire une amitié, c’est bien aussi.

Le dessin et la mise en page me font penser à un carnet de croquis voire aux cahiers que l’on gribouille à l’école, l’avez-vous envisagé comme tel ?

Non, je ne dessinais que dans les marges, mes cahiers étaient très bien tenus. [Sourire] Ce que j’ai voulu pour ce livre, c’est qu’il fourmille de vie et d’anecdotes, que le lecteur ait envie d’y revenir et découvre de nouveaux détails à chaque fois.

Votre trait est plutôt minimaliste et l’utilisation des couleurs, relativement mesurée, comment avez-vous travaillé sur les dessins ?

Je travaille depuis longtemps au rotring et à la règle. Ça me permet de dessiner en tout petit. D’ailleurs, c’est peut-être ma technique qui a influencé le choix du style architectural des bâtiments de Bibiville au départ. Je ne voulais pas qu’il y ait de fond de couleur ni de gros plans, tout est dessiné à peu près à la même taille, comme une maquette de ville miniature que l’on pourrait regarder d’en haut, au-dessus des arbres qui la protègent du monde extérieur et des humains. La couleur m’a permis de mettre en évidence les deux modes de pensée des protagonistes. Bibidou, l’exubérance et l’insouciance par des couleurs vives, dans un style Memphis, et Walter, l’austérité du gris qui représente le béton, et sa rigidité.

Et puis il y a ces planches qui prennent leurs aises où tout Bibiville s’étale, se montre, se déconstruit et se construit, presque comme un plan, pourquoi ?

Parce que j’aime beaucoup les plans, ils permettent en un coup d’œil de tout voir, et en même temps, de s’attarder sur chaque maisonnée pour y voir un moment de vie. Cela permet d’avoir plusieurs échelles de lecture, pour celui qui a envie de se perdre dans les images et les méandres de Bibiville, ou juste de la survoler.

On sent un grand grand (grand !) amour pour les chiens dans votre travail que vous dessinez beaucoup (j’ai vu que vous aviez également travaillé sur un imagier avec Kiblind), ça vient d’où ?

En fait, je préfère les chats, mais je n’arrive pas à les dessiner ! Tout est parti de ce premier bichon dessiné pour une BD pendant mes études. Au départ, il ressemblait à un gros nuage, et puis il a pris vie. Du coup, comme je ne voulais pas faire une société que de bichons pour Bibiville, j’ai dû m’entraîner à dessiner d’autres chiens. D’ailleurs, si vous lisez bien, vous verrez que je ne parle jamais de « chiens » à Bibiville, il n’y a que des Bibis. C’est vrai que c’est une figure que j’aime dessiner (le bichon) et sur laquelle je peux faire communiquer toute sorte d’émotions. De par son profil mignon on s’attend à voir une peluche, mais il peut être terrible aussi. J’en ai fait une adaptation préhistorique-fantastique pour une image dans la revue Couac! de Picsou magazine.

Bibi, c’est votre animal-nom fétiche ?

Oui. (Bibi pour Bi-bichon).Pour l’instant je n’ai pas développé d’autres personnages aussi forts et expressifs je trouve.

Et la suite ?

Pour l’instant, je fourmille d’idées d’histoires, mais il n’y a rien de concret. J’espère une suite de Bibiville et d’autres histoires avec 2024 ! « Derrière ces questions d’architecture, se cachent des questions plus profondes sur nos modes de vie, et ce que l’on recherche dans la vie. Où vivre, avec qui et comment ? »

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